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Le 19 août 1944, Toulouse est libérée par des résistants étrangers en exil

Le samedi 16 septembre 1944, un général de Gaulle pour le moins bougon atterrit sur la base aérienne de Toulouse-Francazal, où Pierre Bertaux, le commissaire de la République installé dans ses fonctions quelques semaines plus tôt, l’accueille. Non loin de là, sur la place du Capitole, la foule compacte s’impatiente. Trente mille personnes trépignent sur le pavé dans une ferveur retrouvée. On chante, on danse, on se presse, on applaudit à tout-va… Quand le chef de la France libre apparaît au balcon de l’hôtel de ville, une immense clameur s’élève.
En phase avec la liesse populaire, le Général, grandiloquent comme il sait l’être, martèle : « Toulouse, Toulouse libre, Toulouse fière parce qu’elle est libre et fière parce qu’au milieu de toutes les larmes, de toutes les angoisses, de toutes les espérances qu’elle a traversées, jamais Toulouse n’a cru que la France était perdue, jamais Toulouse n’a renoncé ni à la grandeur du pays, ni à sa victoire, ni à la liberté des hommes, ni à celle des Français et des Françaises. »
Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Résistants », février 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.
Voilà quatre semaines que la ville s’est libérée. Le 19 août, sous la conduite des Forces françaises de l’intérieur (FFI) commandées par le tout jeune Serge Asher, alias « colonel Ravanel », l’insurrection menée par la Résistance intérieure a défait ce qui restait des troupes ennemies. Las ! Sur le trajet qui sépare Francazal du centre-ville, Bertaux résume la situation. Tout est sous contrôle, souligne-t-il en substance, malgré quelques débordements liés à des règlements de comptes avec la Milice.
Le Général écoute, mais il a aussi d’autres informations. Elles émanent du Bureau central de renseignements et d’action et du deuxième bureau. Ces services évoquent des « désordres » qui feraient suite au soulèvement patriotique du 19 août et font surtout état d’aspirations « révolutionnaires » portées par divers mouvements issus de la Résistance. Aux dires de ces officines, Toulouse serait en proie à une effervescence non conforme à l’ordre républicain, tiraillée par la double influence des idéaux des Francs-tireurs et partisans (FTP) communistes et des guérilleros espagnols, qui ont, ici, joué un rôle de premier plan dans le combat antinazi. Bref, une sorte de fièvre rouge menacerait dangereusement la Ville rose !
Autant de signes auxquels de Gaulle ne reste pas insensible. Une inquiétude le taraude : il faut désormais en finir avec les FFI et restaurer au plus vite l’autorité de l’Etat. L’heure est à la reprise en main. Face aux jeunes troupes en habits disparates, chaussées de sandales et armées de Sten anglaises qu’il passe en revue, le Général affiche un air hautain. «  Il nous a écrasés de son mépris  », dira Ravanel, pourtant pas peu fier de cette rencontre, qui devait à ses yeux symboliser «  la fusion des deux grandes forces qui s’étaient constituées, l’une en France, l’autre en dehors  ».
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